La reine ne cesse d’agrandir son «territoire» tout au long de son règne, s’octroyant les pièces laissées par le décès d’un membre de la famille royale ou en faisant expulser, tout bonnement et simplement, les malheureux occupants. On peut voir une sorte de fuite en avant dans cette façon d’agir, peut-être explicable par un profond ennui et une réelle aversion pour la Cour.
Avril 1770 à Versailles
A quatorze ans et demi, lors de son arrivée en France, le premier de ses appartements lui est octroyé par Louis XV, comme c’était la coutume. En effet, le roi attribue chaque appartement, selon son bon vouloir, aux membres de la famille royale et aux courtisans. Un livre fort intéressant, écrit par William R. Newton, L’Espace du roi recense, dans le détail, les attributions et les décisions prises par les différents rois.
Marie-Antoinette est logée au rez-de-chaussée, dans l’aile sud. L’appartement, construit sur le même modèle que les autres, se compose d’une succession de pièces: une salle des gardes, deux antichambres, (l’une pour les domestiques, l’autre pour les nobles), une chambre, un cabinet et une pièce pour les femmes de chambre et les valets. Le dauphin, futur Louis XVI, occupe les autres pièces en enfilade à côté de son épouse.
Deux endroits retiennent tout particulièrement l’attention, le petit salon et la bibliothèque, leur superficie est, pour le moins, restreinte mais ils sont décorés avec goût dans des couleurs coquille d’œuf et turquoise.
Plus tard, le comte et la comtesse de Provence, frère et belle-sœur de Louis XVI y habitent puis, c’est l’infortuné dauphin, Louis XVII qui est dans ces lieux jusqu’à la Révolution.
Mai 1774
Louis XV meurt et la dauphine, devenue reine, occupe, à partir de ce moment, l’appartement du premier étage.
La chambre en est la pièce la plus prestigieuse. La jeune femme y passe beaucoup de temps, reçoit pour son lever et pour ses audiences privées.
Le lit, « à la duchesse », est une pièce unique. Imposant par son baldaquin, dont le poids nécessite, lorsque la reine y dort, des piliers de bois pour le soutenir, il est d’une incroyable richesse.
La reine sait s’entourer des artistes les plus talentueux de l’époque, Sur la cheminée en griotte, qui est de Forestier (1786), trône une sculpture représentant le buste de la souveraine, exécuté par Félix Lecomte en 1783 et un coffre à bijoux en acajou, bronze et nacre de Jean Ferdinand Schwerdfeger (1787). Face au lit, accrochée sur l’immense glace, une petite pendule indique l’heure à la reine, chaque matin.
Les soieries du lit et de l’alcôve ont été reproduites, exactement, d’après des cartons originaux de l’époque.
La petite histoire raconte que la porte dans le mur de la chambre, à gauche du lit, a permis à la souveraine de fuir, lors de l’invasion du château par les révolutionnaires, le 6 octobre 1789.
Par un escalier dérobé, on atteint, au rez-de-chaussée, la salle de bains, lumineuse, qui donne sur la cour de marbre. A l’époque, la cuve (ou baignoire) se trouve à gauche de la porte d’entrée, tandis qu’un lit de repos est placé à droite. Celui qui est actuellement présenté est dit à la polonaise (1785), il appartient au roi Louis XVI lorsque ce dernier séjourne au château de Compiègne. Sur ce lit, une courtepointe (1775), brodée aux chiffres entrelacés du roi et de la reine. Plus loin, quelques robes, dans le goût du XVIIIe siècle, sont placées sur des mannequins.
Le salon des jeux de la reine, (appelé aujourd’hui salon de la Paix) est une autre pièce mythique, rattachée à son appartement. C’est dans ce lieu qu’elle passe ses nuits à jouer et qu’elle perd des sommes conséquentes alors que Louis XVI règle ses dettes sans rechigner !
L’intimité
Dès son accession au trône, la reine jouit de ses petits appartements qu’elle ne cesse d’agrandir au fil du temps. Ces lieux sont privés. La plupart des pièces donnent sur une cour intérieure; elles sont exigües, sombres mais, comme toujours, très décorées. Il y a, il faut le noter, ce ravissant salon où l’on admire la boîte à bijoux que la reine a constamment avec elle. Ce petit joyau, œuvre de l’ébéniste Martin Carlin, lui est offert par le roi Louis XV, lors de son arrivée à la cour de France, elle le garde jusqu’à la fin de sa vie, puisqu’il est aux Tuileries, en 1789. On trouve aussi deux somptueux canapés d’époque, il y en avait trois, seuls deux ont été retrouvés après la Révolution.
Puis on visite une petite salle à manger où la reine ne reçoit que quelques privilégiés, triés sur le volet. Assise, dos à la cheminée, face à la table, ses invités sont sur une chaise, de part et d’autre, sans réel protocole. Deux vaisseliers en encoignure abritent les services en porcelaine de Sèvres.
Le personnel, valets et femmes de chambre se trouvent dans les pièces adjacentes, prêts à intervenir dès que Marie-Antoinette fait retentir une clochette en argent massif.
Pas très loin, (et ceci a son importance!) deux pièces minuscules sont occupées par le grand ami de la souveraine, Axel de Fersen, le très controversé comte suédois qu’elle souhaitait avoir près d’elle.
Une curiosité…. il subsiste, dans l’appartement de Fersen, une porte qui ouvre sur un escalier à vis, construit en même temps que le château. C’est une pièce rare.
Marie-Antoinette avait le goût du beau, du très beau, que ce soit pour ses appartements au château, au petit Trianon ou pour ses jardins. Elle n’a fait qu’embellir, certes, ce que ses illustres prédécesseurs avaient réalisé, mais il se dégage, de tous ces endroits où elle est passée, un raffinement à nul autre pareil.
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